// Back to the Hombu //
Aujourd’hui, joie immense de retourner au Hombu Dojo.
Pour ceux qui connaissent : la gare a été entièrement refaite et le train arrive maintenant à l’étage, Noda se modernise.
Par contre, retrouver le souffle du Hombu Dojo, ça c’est resté intact. Comme entrer dans un temple, c’est un espace à part. Mon corps le sent et se remet dans le creuset, colonne vertébrale qui fuse.
Et l’occasion, c’était les retrouvailles avec Nagato Sensei. C’était pêchu et punchy !
Tout ce qu’il fait a l’air simple quand on le voit : son mouvement a une compacité sobre et vivante, avec des points de levier précis et inventifs, redoutablement efficaces.
On a commencé avec Uke qui saisit puis frappe ; un pas pour ajuster la distance et prendre contact, on allège le coude de Uke vers le haut (du côté qui tient) tout en abaissant gentiment le poignet de son bras qui vient d’attaquer, et on se faufile sous ce coude en arcade pour arriver à une bonne torsion de tout le bras.
Ou alors, plutôt que de passer sous ce coude, on passe le bras au-dessus pour à la fois le couvrir et aller chercher celui du côté opposé. Et après, … Ura gyaku ? Hon Gyaku ? Je n’arrive pas à me rappeler. A un moment on a travaillé ça sur une attaque au couteau, « Mûto Dori feeling » : pas vraiment attraper, juste crocheter, créer des point de contact sans figer.
Après on a enchaîné d’autres variantes, et là j’ai pas tout retenu. Mais y’avait des shutos, ça j’en suis à peu près sûre. Points de contact qui varient entre les poignets, les coudes, les épaules, le cou…
Tiens, à un moment, on engageait comme un Gyaku Nage (coude de Uke en extension sur l’épaule de Tori), et plutôt que d’envoyer vers l’avant, on pivotait vers l’extérieur à bras de Uke qui se retrouve « enroulé » autour de l’arrière du cou de Tori, à la fois en extension et en Omote.
(NB : si j’essaie de décrire les techniques, ce n’est pas tellement pour les expliciter de manière exhaustive, mais plutôt pour me servir d’aide-mémoire quand on tentera de les refaire.
Et là je viens de passer 20min à essayer de me rappeler une des techniques qu’on a fait et impossible de remettre les pièces du puzzle dans l’ordre, argh.)
L’idée que je garde, c’est la facilité avec laquelle Nagato Sensei se retrouve avec des morceaux de Uke dans les mains : ce n’est jamais lui qui se penche ou se démène pour attraper une main ou un coude, ils semblent lui atterrir naturellement dessus, et dans la position idéale pour exploser les articulations autour. Il se déplace souvent, autour de Uke, à la bonne distance pour ne pas se faire toucher mais en étant bien placé pour riposter. Donc quand je dis distance, il ne faut pas le voir comme le nombre de centimètres entre un point A et un point B, mais comme un espace dynamique (en mouvement) qui engloberait aussi les angles morts de Uke, le timing de ses attaques, les axes donnés par son corps…
Et sur la structure du cours, je remarque que Nagato Sensei prend comme point de départ une proposition d’un des participants au cours, puis l’explore en itération. Comme un morceau de musique, on part d’une phrase, d’un motif, puis on varie une note ; puis on ajoute un coup de caisse claire, là (paf ! le shutô) ; puis on va enlever un mouvement et du coup tout le tempo est décalé d’un cran en avant ; puis on va faire presque l’inverse, en miroir…
Outre le fait de nous court-circuiter un peu le mental, on travaille à bras le corps cette notion d’adaptabilité : les techniques ne sont pas figées, elles servent à répondre à des nuances, à des situations différentes. Et en plus, on apprend et on intègre comment fonctionne le corps, les corps, quels sont les angles qu’on peut trouver/exploiter, par où on peut bouger…
Étant donné que ses techniques me semblent être une application pratique et vivante d’une grand connaissance de l’anatomie, j’ai demandé lors de la pause à Nagato Sensei si c’était un sujet qu’il avait étudié académiquement. Et j’ai appris qu’il est ostéopathe (!). Comme quoi, on a bien 2 faces d’une même pièce : apprendre où ça casse pour comprendre comment soigner, apprendre des techniques qui peuvent tuer pour comprendre comment survivre.
J’ai aussi ressenti à quel point le chemin est long. Même quand j’arrive à refaire ce qui est proposé, ça me semble tellement laborieux et « pâteux », comme un pianiste débutant qui referait une sonate uniquement avec ses 2 index. Il me manque quelques décennies de pratique pour intégrer, fluidifier, rendre ça plus sobre et plus « normal ». Je crois que ce qu’on récupère de la plupart des cours ici, ce ne sont pas les techniques en elles-mêmes ; c’est plutôt, quand on rentre à la maison et qu’on essaie de les refaire, ce questionnement lancinant qui revient : « Mais comment il avait fait pour que ce soit aussi simple ??? »
Allez, bonne recherche 🙂
PS qui n’a rien à voir : la lecture qui m’accompagne depuis mon arrivée ici, c’est le roman Les Furtifs, d’Alain Damasio. Et je trouve que ça colle parfaitement à l’ambiance et à ce que je vis du voyage. Ça parle de société ultra-connectée où chacun est tracké au moindre pas, et de créatures qui se métamorphosent sans cesse et échappent à la moindre tentative d’observation figée. Essayer d’attraper quelque chose qui est par essence constamment fluctuant, ne serait-ce pas ce qu’on vit avec notre mental quand on essaie de faire une technique ?