Le troisième jour du Daïkomyosaï se déroule dans un gymnase. Comme pour le dojo d’Ayase, nous retirons nos chaussures à l’entrée et enfilons des savates pour accéder aux salles.
Hatsumi sensei arrive, accompagné d’élèves qui portent des valises plus toutes jeunes.
Je ne sais pas encore ce qu’il nous réserve, jusqu’au moment où il ouvre une des valises et en sort des rouleaux : il s’agit d’aquarelles réalisées par son maître, Takamatsu sensei, sur makimono. Il nous explique qu’il est important d’ouvrir son esprit et de connaître tout cela, de s’en imprégner.
Nous ne sommes pas encore au bout de nos surprises : par la suite nous aurons droit à des rouleaux de toutes sortes (dessins de personnages, d’armes…) et en particulier des densho, sous forme de dessins ou de calligraphies, dont certains datent d’avant l’ère edo, et sont réputés introuvables. Il y en a même certains dont les écoles existent encore et ne les ont pas en leur possession : forcément, ils sont là, sous nos yeux !
Et Hatsumi sensei nous explique simplement que tous ces rouleaux sont venus à lui naturellement.
Ces rouleaux, qui mesurent parfois une bonne dizaine de mètres sont tout simplement incroyables, non seulement par leur rareté, mais aussi par leur beauté et ce qui en émane : les traits sont tracés avec précision et fermeté, dans des styles souvent très différents, parfois vifs et tranchants, parfois ronds et forts, d’autres encore lêgers et déliés.
Au-delà du sens des mots, Hatsumi sensei nous dit que la calligraphie permet de sentir la personnalité de celui qui l’a rédigé, et que regarder ces rouleaux est une forme de budo. Je le conçois comme une invitation à s’imprégner de cette connaissance, même sans comprendre. Un peu comme lorsqu’on nous montre une technique : souvent nous n’en comprenons qu’une infime partie (souvent la partie extérieure, mécanique) mais, en fonction de la qualité de l’enseignant, il y a autre chose qui se transmet de manière directe, sans passer par la compréhension mentale.
Hatsumi sensei conclue sur l’importance de préserver ce savoir, afin qu’il puisse bénéficier au monde et aux générations à venir.
Cependant, ainsi qu’il le rappelle en souriant malicieusement, ce savoir est important, mais il ne suffit pas : il faut aussi s’entraîner !
L’après-midi, nous continuons le travail sur les kyûsho. Comme dans les cours précédents, Hatsumi sensei demande à un 15ème dan de montrer une technique, puis après quelques minutes de pratique nous montre des variantes incluant les kyûsho, insistant sur le mouvement naturel, et l’importance d’avoir le corps le plus libéré possible. Pour moi cela fait lien avec l’exhortation d’Arnaud à ce que nous devenions souples ! Sensei montre notamment des mouvements très libres des épaules, des hanches…et même, avec un brin de facétie, des oreilles !
Sur son blog, dans l’article Use a Telescope to see through Space and Time, Arnaud décrit à un moment la sensation ressentie en saisissant sensei : “Je n’ai rien senti, il a juste disparu.[…] Pour réussir cela Hatsumi sensei joignait simplement ses épaules entre mes bras comme s’il n’avait pas de structure osseuse, pas de cage thoracique au milieu ! ” (j’ai traduit pour les non anglophones^^)
Je ne sais si c’est la saturation liée aux 3 jours, mais rapidement je me sens épuisé, vidé, et il me semble que c’est aussi le cas de mes partenaires, pourtant plus avancés que moi dans le budo. J’ai l’impression que sensei monte d’un cran dans ce qu’il nous montre, contrôlant uke, sans même le toucher, par des mouvements (des ondulations?) subtils de son corps.
Sur les dernières minutes, bien que le style soit très différent, j’ai l’impression d’assister à une démonstration de ô sensei (Morihei Ueshiba, fondateur de l’aïkido) vers la fin de sa vie… aussi «connecté» et inspiré : à ce stade il n’y a même plus de combat, il y a juste la vie !
Amitiés,
Damien
PS: mon prochain article portera sur la soirée d’anniversaire d’Hatsumi sensei, riche elle aussi en rebondissements !