Julia au clavier, pour un épisode dépourvu de références culinaires (étonnant!).
Cours au Hombu Dojo mardi matin, avec Shiraishi Sensei. Je retiens 2 points clés qui me semblent importants :
- Construire son équilibre
Dans l’interaction avec Uke, la seule chose dont nous soyons vraiment responsables est de construire notre propre équilibre.
A chaque pas, on construit son propre équilibre. Et à chaque pas, on augmente le déséquilibre de Uke. Le déséquilibre ne se fait pas sur un seul mouvement, grandiose et éclatant ; c’est par une succession de petites touches qui vont perturber, désorganiser la posture de Uke.
Comme mentionné précédemment, la technique commence uniquement après que l’équilibre de Uke a été pris, ce n’est pas elle qui permet de prendre l’équilibre !
A chaque pas, Tori reste dans sa posture confortable, voire même augmente son « niveau de confort » ; à l’inverse, chaque mouvement contribue au déséquilibre de Uke en le rendant de plus en plus instable et faible sur ses appuis. La chute (ou la technique) finit par arriver d’elle-même, sans qu’on cherche à l’obtenir.
NB : quand je parle d’augmenter le niveau de confort, je ne parle pas d’un confort « pantouflard » qui viserait à se détacher de la situation pour ne pas avoir à y penser. Je l’entends plutôt comme une façon de prendre soin de soi en respectant son propre espace : se placer à la distance juste pour ne pas se sentir en danger ou en opposition, avoir conscience de son niveau d’énergie ou de ses raideurs du moment… Il s’agit donc d’un confort proche de la notion d’harmonie, de non-résistance à la situation.
Soit dit en passant, c’est une notion fort intéressante à étendre à sa vie quotidienne. Après tout, plusieurs de nos grands maîtres nous indiquent que le Budô est un outil pour mener une vie heureuse.
- Faire des erreurs
Autre idée forte qui m’a marquée ce matin : ce n’est pas grave de faire des erreurs. C’est ok de continuer quand même. Il faut continuer quand même.
En continuant à chercher, on peut améliorer, graduellement. C’est en acceptant qu’on se trompe… qu’on peut trouver une meilleure façon de faire.
C’est une démarche que les vrais cherchants n’abandonnent jamais : les grands maîtres continuent chaque jour à polir leur art, même si pour le commun des mortels ils semblent être arrivés au sommet.
Plus j’avance dans la rédaction de cet article, et plus je me dis que se tromper c’est la clé.
Se tromper, c’est accepter que tout ne se passe pas comme on avait prévu. C’est constater que la réalité ne correspond pas au plan qu’on avait en tête (« mais pourquoi il ne tombe paaaaaas ??? »).
Se tromper, c’est s’ouvrir de nouvelles pistes d’exploration : et si au lieu de m’acharner à tirer sur ce bras, je faisais plutôt un pas de côté ?
Se tromper c’est se laisser l’espace nécessaire pour s’adapter, pour accueillir ce qui vient, intégrer dans l’instant les résistances d’un Uke pour les contourner ou aller ailleurs.
Se tromper c’est se laisser la place de la spontanéité, de la créativité, de la joie de tester et de voir ce que ça donne.
A partir du moment où on se place dans le bon axe de recherche, la seule façon qu’on ait d’avancer… c’est de se tromper. Et de continuer quand même. Puis de recommencer.
Se(Ou alors de tout réussir du premier coup, mais ça serait moins drôle ^^).
Sur le chemin de la perfection, puisque le but final est par essence inatteignable… on ne peut faire que se tromper ! Autant le faire avec une solide dose de bonne humeur !
Du coup, puisque de toute façon on est condamnés à se tromper, autant l’accepter gracieusement et ne pas s’attarder dessus. Chaque seconde passée à se fustiger et à se juger après une erreur est une seconde passée à l’arrêt, au lieu de tester une autre solution.
Bien sûr qu’un regard critique sur ce qu’on fait est essentiel, mais constater l’erreur suffit ; si l’on est capables de s’en détacher dans l’instant, on peut passer à la suite.
Se dire qu’on a raté parce qu’on est trop ci ou pas assez ça, c’est une autre façon de rester accroché à notre erreur.
Donc, on peut tout aussi bien admettre qu’on s’est trompés et passer à la suite !
(et ça laisse plus de temps et de disponibilité mentale pour profiter des bonnes choses de la vie, comme par exemple les sushis (au hasard)) (ah si finalement il y a quand même un mot sur la nourriture)
Au final, quand est-ce qu’on réussit vraiment une technique ?
Il m’est arrivé plein de fois de mettre un Uke par terre, sans pour autant avoir la certitude de « réussir ».
il m’est arrivé parfois de vivre des instants de grâce, où corps et esprit s’alignent, et le mouvement se fait facilement sans que je comprenne tout à fait pourquoi Uke valse aussi loin. Je me souviens de l’écho de cette sensation, mais je ne me souviens pas de quels mouvements je faisais au moment où c’est arrivé.
Avoir vécu un instant comme celui-là me parait infiniment plus précieux que de réussir une technique.
En conclusion, je propose le résumé suivant : construisez votre propre bonheur, et trompez-vous joyeusement en chemin !
Ou, en version originale, telle que formulée par Shiraïshi Sensei (et probablement mon mantra des 6 prochains mois) :
» Do mistake ok, continue do. «